European Pavilion

À propos du European Pavilion

Le European Pavilion est une initiative artistique paneuropéenne et multidisciplinaire de la Fondation européenne de la culture, mise en œuvre en collaboration avec des partenaires clés, dont la Fondation Camargo, la Fondation Kultura Nova et la Fondazione CRT, et avec leur soutien.

L'objectif de l'initiative du European Pavilion est de faciliter un espace qui encourage l'expérimentation et la réflexion sur l'Europe. Elle vise à soutenir un réseau européen d'organisations artistiques et culturelles qui, par le biais de projets artistiques et éducatifs, offre la possibilité d'explorer des idées pour une Europe future. Le pavillon, qui a revêtu de nombreuses fonctions et formes au cours de l'histoire, a la spécificité de rester ouvert à de nouvelles définitions et significations - tout comme l'Europe elle-même.

Le European Pavilion est un programme pluriannuel qui, espérons-le, accueillera de nombreux nouveaux partenaires dans les années à venir.


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À propos de la résidence

Translating Resistance, Smuggling Utopia
Towards a European Pavilion in Marseille

Dans le cadre de l'initiative du European Pavilion, Camargo invite l'historienne franco-tunisienne Leyla Dakhli à mener un processus collectif intitulé Translating Resistance, Smuggling Utopia. Composé de chercheurs, de traducteurs, d'artistes et de militants, le collectif partagera, lira, discutera et comparera des textes, des archives et des idées pour retracer certaines trajectoires de résistance et de pensée utopique en Europe du Sud et en Méditerranée.

En décembre 2021, Leyla Dakhli est venue à Camargo pour une résidence de 5 jours à Cassis. En tant que commissaire de ce programme, elle a invité à la joindre, la philosophe Elsa Dorlin et Caroline Meyer Picard. Ensemble, elles ont entamé une première discussion sur les angles, questions, matériaux et formes possibles qu'elles souhaitent explorer tout au long de ce processus.

En février, le trio revient à Camargo pour poursuivre sa lecture et sa traduction de textes politiques et poétiques remettant en question le concept même de frontière. Au cours de cette étape, quelques fils seront tirés d'un enchevêtrement de mots, d'images, de sons et d'idées, pour être tissés dans des directions plus tangibles. Une bibliographie des textes à traduire commencera à prendre forme. Elle pourra inclure des fragments de manifestes, de la poésie, de la fiction spéculative, des écrits ethnographiques et de la littérature scientifique. 

  • Le pavillon pirate de nos résistances +

    Note d'intention suivant la première étape de réflection par Leyla Dakhli, Elsa Dorlin & Caroline Meyer Picard. 

    Par-delà les discours lénifiants sur la Méditerranée, mer du milieu des terres, mare nostrum perdu et à retrouver, le pavillon des résistances établit un espace de refuge pour porter des voix, des émotions, des sentiments. Il travaille la notion même de résistance comme on travaille une matière pour lui donner la capacité d’accueillir en elle tout à la fois de la fragilité, de la tendresse, de la puissance et de la force. Comme une voile faite d’un tissage subtil qui se tend et devient rigide et puissante, le pavillon se déploie et de déroule dans une multitude de sens.

    Encapsulées dans des langues et des sons que l’on veut donner à entendre dans les traductions, les passages, les interprétations, les émotions trouvent un abri dans le pavillon que l’on conçoit comme l’un de ces leporellos qu’Ethel Adnan aimait tant. Le leporello allie le lien que l’on a avec un journal intime, qui contient les listes des amours, les objets ramassés le long des chemins, avec la faculté de se déployer pour créer un espace plus ou moins ouvert, plus ou moins complexe.

    D’Ethel Adnan, nous ne retenons pas seulement son plaisir à déployer son âme sur ces petits papiers pliés,mais aussi ses synesthésies, les correspondances qu’elle nous invite à tracer entre nous-mêmes et le monde, entre nos sens, entre mots et couleurs, entre sons et matières. C’est dans ces passages sensoriels que s’établit le pavillon, construit comme une maison de papier, de toile, de tissus et de tissages. Elle est formée de paravents dont la transparence, l’opacité, l’épaisseur ou la percée sont envisagés comme des manières de dire et de ressentir l’œuvre, les mots, les chants, l’archive qu’ils vont contenir.

    Espace de collecte, notre pavillon accueille l’émotion de l’archive. Celle qui fait que la trace que l’on trouve (que l’on dé-couvre), que l’on touche, porte en elle les traces de la main qui l’a sculptée, les contours des espaces qui l’ont vu naître, qui l’on contenue, et jusqu’à celle de son présent face à nous : une rayure tendre, une tâche, une page cornée. Elle porte aussi en elle la violence qui s’est imposée à elle : un trait qui barre, un tampon qui accorde ou interdit… toutes les traces se superposent, se recouvrent comme une sédimentation.

    Elle suscite une émotion particulière, semblable à celle des retrouvailles, contenant une nostalgie toujours présente et une forme de soulagement et d’impuissance mêlées : retrouver quelque chose qui ne sera plus jamais, et dont l’existence est devenue infime. Elle se charge, par la traduction, la reprise, la remise en jeu, de l’espoir de nouvelles vies, de nouvelles circulations, de nouvelles incarnations.

    L’émotion de l’archive met face à ce qui reste, ce qui est déposé ou recueilli, conservé avec soin, et c’est elle que nous souhaitons retrouver dans un espace du soin. Le geste du soin qui nous y réunit prend appui sur des pratiques quotidiennes d’accueil, celles qui font que l’on se sent chez soi.

    Dans cet espace alors, pas de spectacle ou de performance, pas de commande mais plutôt le geste de re-donner, de faire dialoguer des paroles et des œuvres qui ont déjà eu lieu, qui ont été composées ailleurs et qui portent en elles cette histoire, des objets, des sons et des mots qui font archive et qui sont recyclés, transformés par la rencontre et le contexte qui les entoure.

    Ainsi l’espace du pavillon doit pouvoir avoir des plis et des creux, se déployer/déplier et se refermer pour contenir. Nous voyons ce pavillon comme un espace qui contient des mondes, qui ressemble à un livre, un de ces livres pop-up pour enfants : il est transformable, démontable mais aussi transportable, mobile, déployable dans les environnements qui souhaitent l’accueillir : une clairière, un port, un ponton, une friche, une école, une colline.

    Il trouve alors sa place dans le vivant grâce à celles et ceux qui viennent l’habiter, le coloniser. Il se transforme avec les vents, les lumières et les reflets, l’humidité ou la sécheresse. Il peut décider de rester pour se confronter à ces éléments, se fondre, s’user, se transformer au contact, acquérant ainsi une nature « mortelle » malgré l’illusion de l’archive et de la conservation. Il peut aussi vivre autrement, comme une utopie qui se transforme en passant de main en main, comme un espace d’expérimentation.

    Le premier leporello a ainsi recueilli nos premières expérimentations, il s’est nourri des mots et des échos qui se sont fabriqués entre nous. Il a constitué un territoire partagé. D’autres suivront, qui circuleront et seront partagés avec d’autres encore. Il deviendra alors le pavillon passager clandestin de nos résistances, qui peuvent résider simplement de ce que nous avons déjà vécu, dans les langues dont nous nous souvenons, les refrains que nous gardons en tête, les cicatrices de souffrances passées, ou dans le cri actuel des rues en colère, le frémissement des communautés qui s’inventent et se protègent. Le recueil de toute ces résistances agiles, multiformes, acceptant leur sauvagerie comme un don et une arme contre les barbaries.


Résidents

Leyla Dakhli, commissaire du programme, historienne, France, Allemagne, 2021
Elsa Dorlin, chercheuse en philosophie sociale et politique, France, 2021
Caroline Meyer Picard, artiste chorégraphique, 2021
  • Leyla Dakhli +

    Commissaire du programme, historienne, France, Allemagne

    Leyla Dakhli est chercheuse à temps plein au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), actuellement installée au Centre Marc Bloch à Berlin. Elle est historienne, et ses travaux portent notamment sur l'étude des intellectuels arabes et l'histoire culturelle de la région sud-méditerranéenne. Elle s'intéresse plus particulièrement à l'histoire sociale des intellectuels - en particulier les femmes et les intellectuels et militants exilés - et à la question des langues dans la région méditerranéenne, considérée comme un moyen de comprendre son histoire enchevêtrée. Elle est membre du comité scientifique de la International Review of Social History (Amsterdam) et du Mouvement social (Paris), et contribue régulièrement à la revue libanaise Al-Safir al-Arabi, au web-journal La Vie des idées et à Jadaliyya. Elle est la chercheuse principale du projet DREAM - DRafting and Enacting the Revolutions in the Arab Mediterranean (European Research Council Grant 2018-2023). Elle a fondé la Société européenne des auteurs, dédiée à la promotion de la traduction et des échanges d'idées.

  • Elsa Dorlin +

    Chercheuse en philosophie sociale et politique, France

    Elsa Dorlin est professeure de philosophie sociale et politique à l'Université de Paris VIII Vincennes/Saint-Denis (France). Auparavant, elle était professeure associée d'histoire des sciences et d'histoire de la philosophie à l'Université de Paris I Panthéon-Sorbonne et, en 2009, elle a remporté la médaille de bronze du CNRS pour ses travaux sur la théorie et la philosophie féministes du genre. Elle a été professeure associée invitée au Critical Theory Program de l'Université de Californie, Berkeley (2010-2011), et récemment Abigail R. Cohen Fellow au Columbia Institute for Ideas and Imagination (2018-2019). Spécialiste de la philosophie de Michel Foucault et de la philosophie continentale, les recherches de Dorlin portent également sur le marxisme, l'épistémologie féministe noire et la phénoménologie fanonienne et décoloniale. Elle est l'auteure de plusieurs livres et articles, dont La Matrice de la race. Généalogie sexuelle et coloniale de la Nation française (Paris, La découverte, 2006). Son dernier livre, Self Defense : Une philosophie de la violence (Paris, Zones, 2017), lauréat du prix Frantz Fanon 2018 de l'Association philosophique des Caraïbes, est traduit en huit langues et paraîtra en anglais (Verso).

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  • Caroline Meyer Picard +

    Artiste chorégraphique, France, Allemagne

    Formée au Conservatoire National Supérieur de Paris, elle intègre le Béjart Ballet Lausanne en1990 avant de rencontrer en1994 Maguy Marin. Tournées mondiales, engagement politique et social, créations mêlant danse, théâtre, musique, improvisation … La chorégraphe restera une référence dans son parcours artistique. En 2003 elle rejoint la Compagnie Felix Rückert à Berlin, elle y découvre un travail en intense interaction avec le public. À Berlin elle est interprète pour Sommer Ulrikson, Eun Me Ahn, Tchekpo Dan Agbetou, Arthur Kuggeleyn et la comédienne Corinna Harfouch.
    Elle crée depuis 2003 plusieurs chorégraphies dont « Cellule 401 » à la Ferme du Buisson, « Auto-Mata » à la Villette, “Anna-Luise” au Sophiensaele ou encore “Ibeji », une coproduction entre le Sophiensaele à Berlin et le Tchad.
    C’est à partir de 2011 qu’elle commence à approfondir différentes pratiques de conscience corporelle et de travail somatique. Elle devient praticienne Reiki, coach de Pilates et suit une formation d’animatrice de méditation pleine présence. Sa créativité est mise au service de sa pédagogie qui n’a de cesse d’interroger le corps sensible en mouvement. Professeure à l’Université des Arts de Berlin en technique de danse depuis 2018 son enseignement au travers de l’expérimentation et de la théorie offre un espace d’exploration des sensations, des émotions et des sentiments à travers le mouvement dansé.


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